Fabrizio X, head of institutional and regulatory affairs Italy and Germany, Unicredit
Quelles ont été les principales étapes de votre carrière professionnelle, quel a été votre parcours pour arriver jusque-là?
J’ai fait le lycée « classico » italien (équivalent de la filière Littéraire) et j’ai étudié de l’économie ici à Rome. Tout en étudiant en License j’ai fait un Master en communication, après quoi j’ai commencé à travailler sur le marketing dans American Express (cartes de crédit) en 1988. C’était à l’époque la phase pionnière des cartes de crédit. J’y ai travaillé pendant 5 ans, puis je suis passé au monde des voyages, dans une société appelée “Compagnia Italiana Turismo”. C’était la plus grande agence de voyages italienne, jusque-là publique mais qui venait d’être privatisée, donc qui était en train de se relancer. Une équipe de gestion venant du monde du privé se commençait à créer, et j’y suis entré en tant que directeur marketing : je m’occupais de toute la partie marketing et communication de cette entreprise, où je suis resté pendant 4 ans. Je me suis ensuite déplacé dans le monde du luxe, chez Bulgari où j’étais le responsable marketing de l’Italie et de l’Europe du Sud, le Moyen-Orient et l’Afrique. Très belle expérience : une marque internationale, une expansion majeure, c’était l’époque où elle grandissait et devenait une marque mondiale et pas seulement italienne. J’étais là pendant 4-5 ans et puis je me suis jeté dans le monde de la new economy. Nous parlons de l’année 1999-2000 donc on vivait le boom Internet. Je voulais vraiment faire partie de quelque chose de nouveau, ce qui me semblait être aussi une expérience valide à inclure dans mon CV. Je suis donc allé travailler chez Kataweb, qui venait de faire un accord avec Unicredit pour créer un portail local italien, décliné pour les principales villes italiennes, fournissant toute une série d’informations locales, de journalisme local, de services aux entreprises locales et aux citoyens. En même temps, c’était un moyen d’amener les clients Unicredit sur internet et pouvoir lentement se convertir à l’internet banking, qui était en cours de création. J’ai rejoint ce projet et, après un certain temps, j’en suis devenu le Directeur Général. Cette entreprise était un peu mon expérience de start-up : il n’y avait personne, nous avons dû créer la rédaction (journalistes, etc.) mais aussi toute la partie liée au fonctionnement de l’entreprise. La société s’appelait Vivacity et peu après a été entièrement prise en charge par Unicredit. Nous avons suivi ce projet pour 4 ans, et pendant ce temps Vivacity est devenu le premier portail local en Italie pour nombre d’utilisateurs. À ce stade, Unicredit décide de faire de ce portail l’internet banking de la banque. J’ai travaillé pendant un certain temps à Unicredit pour lancer ce projet de comités locaux (pour maintenir le contact avec les villes où il n’y avait plus de direction générale, après la fusion des 7 banques en un groupe Unicredit Banca) : j’ai lancé celui de Rome. Et c’est là que j’ai commencé à entrer en contact avec le monde institutionnel, où ma deuxième aventure dans la banque a vu le jour. Une aventure, en effet, dans le monde des relations institutionnelles. L’élément clé était alors une perception du besoin de communiquer, de comprendre qu’il y avait un autre type de public qui n’était pas consommateur comme dans le cas des cartes de crédit, des voyages ou des bijoux. Dans ce cas, la cible était celle des institutions, avec lesquelles la banque ne dialoguait pas jusqu’à présent. L’intuition sous-jacente était que, d’une part, la banque avait besoin de mettre en place ce dialogue pour qu’elle ne soit pas que dans une optique de « comment s’adapter à une loi qui a déjà été approuvée » mais plutôt « comment puis-je aider à construire la loi ? Quelle loi doit être approuvée pour qu’elle soit la plus bénéfique pour la communauté sans pénaliser la banque ? ». Pour les parlementaires ou le gouvernement, l’avantage est similaire : d’une part, avoir un interlocuteur sérieux et préparé qui fournit des informations utiles ; d’autre part, avoir un interlocuteur qui puisse aider à définir les meilleures lois. Unicredit est aujourd’hui la seule banque à avoir ce type de visibilité sur le monde institutionnel. Les éléments qui ont distingué ma carrière ont été, je dirais, d’un côté, un aspect de curiosité intellectuelle, de l’autre, beaucoup de travail (je pense que pour apporter de la valeur ajoutée, il faut étudier les choses) et la propension à l’innovation. À chaque changement de poste, il y avait des nouveautés auxquelles je n’avais jamais été confronté avant et qui je pense m’ont fait « grandir » d’un point de vue professionnel. J’ai toujours essayé d’apporter au nouveau secteur que je découvrais ce que j’avais appris dans les précédents. De la même façon, je pense qu’il faut prendre des risques. Quand j’ai quitté Bulgari, j’avais une position importante et donc la décision de partir était difficile à prendre. Mais je ne l’ai jamais regretté.
Quels ont été les principaux obstacles rencontrés?
Les principaux obstacles rencontrés étaient peut-être des obstacles systémiques, de crise. Je suis entré dans le monde du travail dans un contexte de croissance (en 1988), après quoi il y a eu des crises les unes après les autres. Sauf peut-être la période de 1998 à 2001. Ensuite, il peut y avoir des situations où on a des chefs ou se retrouve à travailler avec des personnes avec lesquelles on ne s’entend pas très bien, mais ce sont des situations qui, d’une manière ou d’une autre, on a tous vécu. Pour le reste, il ne me semble pas avoir rencontré de grandes difficultés.
Comment voyez-vous la question des femmes ? Est-il vrai que les femmes rejoignent moins les postes de haute responsabilité ? Si oui, pourquoi?
Chez Bulgari, si je pense au sommet de l’entreprise, du président au PDG, il n’y avait qu’une seule femme au premier rang de la direction : le directeur des ressources humaines. J’en ai rencontré plus dans le monde Unicredit, mais pas dans les sphères les plus hautes (PDG, Directeur Général). Au niveau managérial assez élevé, je vois beaucoup plus de femmes aujourd’hui qu’auparavant. Bien sûr, pour faire le dernier pas quelques obstacles sont toujours là.
Est-ce leur limitation ou la société et l’environnement ne sont-ils pas propices?
Alors, il est clair qu’il y a une situation de fond liée au temps disponible en quelque sorte. Surtout, quand on va au-delà de certains niveaux en entreprise, on a une vie qui devient tout à fait une vie qui rend fou. Des agendas occupés d’ici les 4 prochains mois sont assez difficile à gérer au sein d’une famille. Famille où par phénomène culturel, encore vrai aujourd’hui, s’il y a des enfants, le parent qui s’en occupe le plus reste la mère. Certes, il y a des congés parentaux et certains hommes restent à la maison, mais c’est encore un phénomène de niche, surtout dans l’Europe méditerranéenne. En particulier, lorsque les enfants sont petits, ce qui coïncide en plus avec la phase la plus propice aux développement dans une carrière professionnelle. Vivre une vie dans laquelle on disparaît, avec des enfants de 7-8 ans : il y a certainement plus de femmes qui décident de ne pas monter la dernière marche qui fait que d’une vie gérable on passe à une vie de sacrifices. Il y a donc un phénomène d’autolimitation, pour lequel le jeu ne vaut pas la chandelle. Et peut-être quand les enfants sont plus âgés, «le train de la carrière est parti».
Du point de vue de l’entreprise, offre-t-elle moins de places aux femmes?
Non. Maintenant, il y a une prise de conscience de ce thème (de la discrimination), on en parle, d’autant plus que paradoxalement, aujourd’hui, une femme intelligente, capable peut grandir du point de vue professionnel autant qu’un homme voire plus, à compétence égale. On essaye de plus en plus de compenser la faible présence de femmes au sommet, en ayant comme objectif un pourcentage d’hommes et de femmes de 50-50% comme les sociétés les plus avancées, qui se sont données une politique d’entreprise qui tend vers ce modèle. Dans un contexte dans lequel il y avait par le passé 8 gestionnaires sur 10 sont des hommes, s’il faut promouvoir quelqu’un, on essaye de promouvoir la femme. Ce rééquilibrage se fait pour les “top manager”. À mon niveau, par exemple dans Unicredit, il y en a beaucoup. Ensuite, quand on passe à l’étape suivante, à ceux qui rapportent directement au directeur général, là, c’est vrai, le nombre s’arrête. Et c’est ce trou sur lequel il faut travailler.
@manu_scogna10